Detournement de fonds publics: Comment des fonctionnaires perçoivent des salaires sans travailler ?
Vendredi, 27 Juillet 2012 09:54
De nombreux fonctionnaires travaillent dans des sociétés privées, ou sont exilés à l’étranger, mais perçoivent les salaires que l’Etat leur paye.Cela peut aussi s’appeler détournement de fonds publics, le fait pour un fonctionnaire absent de son poste d’affectation depuis des lustres, mais qui perçoit régulièrement son salaire. C’est le cas justement de nombreux agents et fonctionnaires qui travaillent dans des sociétés privées. Dans ce registre, il convient de faire un distinguo. Dans la première catégorie, il y a de vrais fonctionnaires fictifs, c’est-à-dire des individus qui perçoivent indûment l'argent de l'Etat grâce à de faux actes d'intégration à la fonction publique, en produisant des bulletins de salaires correspondant à des personnes décédées, ou en touchant chaque mois trois ou quatre salaires avec des noms différents. Dans la deuxième catégorie, se trouvent des personnes régulièrement recrutées à la fonction publique, mais qui ne rejoignent jamais leurs postes d’affectation. Enfin, la troisième catégorie, celle des fonctionnaires exilés à l’étranger.
Pour mieux comprendre le phénomène, nous avons sondé, en guise d’exemple, au Ministère des Enseignements secondaires. Ici, la jonglerie est plus accentuée plus que dans d’autres ministères. En effet, nos sources révèlent que de nombreux enseignants affectés dans les zones rurales, n’y vont presque pas. Ils se contentent de se présenter aux chefs d’établissements pour matérialiser leur prise de service, puis, ils disparaissent dans la nature. En fait, ils ne disparaissent pas dans la nature. La vérité c’est qu’ils sont employés dans des sociétés privées, et touchent sans aucun remord le salaire que leur paye l’Etat. Dans les districts, arrondissements et départements enclavés, peu d’enseignants acceptent d’y résider. Dans l’attente d’une affectation dans une ville de convenance, ils préfèrent travailler dans des entreprises privées. Pour les remplacer, les parents d’élèves sont obligés de recruter les vacataires parfois au niveau approximatif, pour combler le trou laissé par les enseignants déserteurs. Le lycée de Mouanko dans le département de la Sanaga Maritime vit constamment ce phénomène. Les prêtres des paroisses environnantes sont obligés de prêter main forte à cet établissement pour y dispenser des cours.
Mais, il y a aussi une autre catégorie de déserteurs. Il s’agit des enseignants qui ont quitté le pays pour des études en Europe ou pour d’autres raisons. Selon les chiffres qui nous ont été communiqués sous cape, ils seraient un peu plus de 2000, mais personne n’y fait attention, ou alors, on fait semblant de ne pas être au courant de cette tricherie. Ceux là, ce sont de gros malins. Même partis, ils continuent de toucher normalement leurs salaires, grâce à de multiples combines et des complicités à divers niveaux. Avec des procurations, leurs proches restés au Cameroun sont chargés de toucher à leurs places, et de payer des commissions aux responsables qui les couvrent. Ce détournement organisé cause ainsi un énorme manque à gagner à l’Etat qui s’élèverait à 8 milliards de FCfa par mois, selon les chiffres du Ministère de la Fonction publique et de la Réforme Administrative.
Il faut reconnaître que la maîtrise des effectifs à la fonction publique est entourée d’un épais brouillard dans lequel il est difficile d’y voir plus clair. Avec des complicités tentaculaires, tout le monde y trouve son compte, raison pour laquelle toutes les tentatives de combattre les fraudes se sont soldées par des échecs. Comment comprendre que l’Etat puisse employer un personnel dont il ne maîtrise même pas l’effectif ? Ce qui pose le plus problème, c’est la volonté même de prendre des dispositions pour que l’on parvienne à la gestion efficace du personnel et de la masse salariale. A divers niveaux, les responsables verrouillent et plombent tout ce qui a trait à la maîtrise des effectifs. Aujourd’hui, personne ne peut dire avec certitude le nombre d’agents et fonctionnaires employés par l’Etat. Tantôt l’on parle de 200.000, tantôt de 195.000, parmi lesquels se trouvent 15000 fonctionnaires fictifs !