une plate-forme internet pour lutter contre les coupures d’électricité au Cameroun
Dimanche, 15 Juillet 2012 13:13
Des journalistes européens et africains s’associent pour mettre en place une plate-forme internet recensant les coupures de courants à Douala. Elle permettra de mesurer l’ampleur du problème, considéré comme un véritable fléau dans la capitale économique du Cameroun. Pour mener à bien cette initiative non gouvernementale, ils comptent sur l’implication des habitants de la ville. Recenser avec précision l’ampleur des coupures d’électricité à Douala, tel est l’objectif de Feowl.
Cette plate-forme internet collectera et analysera les informations envoyées par les habitants victimes de ces pannes énergétiques très fréquentes dans la capitale économique du Cameroun. Une approche innovante qui se veut une première étape pour combattre le problème des délestages, comme on les appelle au Cameroun, et sur lesquels aucune donnée précise n’est disponible. Ces défaillances techniques aux multiples ramifications économiques et sociales minent la qualité de vie des habitants. La liberté d’expression des citoyens est aussi en jeu comme le rapelle Julie Onowo, membre d’Internet Sans Frontière et partenaire du projet, car un accès stable à l’électricité est indispensable à l’usage d’internet.
Une plate-forme sur laquelle les résidents viendront chaque jour évaluer leur approvisionnement en électricité
« Ce qui peut être mesuré peut être changé », telle est la devise du projet mené par une équipe de journalistes et de développeurs européens et africains. Pour répondre aux rapports contradictoires des autorités et au manque d’information fiable sur la question énergétique en Afrique, l’équipe a imaginé une plate-forme open-source (c’est-à-dire ouverte aux contributions extérieures) sur laquelle les résidents de Douala viendront chaque jour évaluer leur approvisionnement en électricité. Entre deux coupures de courant, ils pourront utiliser Facebook, Twitter ou bien leur téléphone pour se connecter et envoyer leurs informations. Au final, les données collectées seront vérifiées, organisées et rendues publiques par les « datajournalistes » : des spécialistes de la collecte et de l’analyse de données brutes. Avec cette méthode basée sur le crowdsourcing, Feowl entend répondre à des questions très concrètes : combien de temps dure en moyenne une coupure ? Quel quartier est le plus touché? À quel moment de la journée ? Quelle est l’incidence sur l’activité économique de la ville ?
Un défaut d’alimentation du fournisseur tout comme la chute d’un arbre peuvent causer ces délestages
Co-piloté par deux pionniers du « datajournalisme » en France, Nicolas Kayser-Bril et Pierre Romera, Feowl se veut avant tout un travail « journalistique d’utilité publique », à destination des ONG et du gouvernement. Actuellement sur place, les deux journalistes font le tour des radios locales pour faire connaître leur idée auprès de la population. Joint au téléphone par RFI, Nicolas Kayser-Bril explique avoir voulu se rendre compte sur place de l’ampleur et de la nature du problème, car à la différence des pays occidentaux où une coupure de courant est facilement identifiable, en Afrique les causes peuvent être multiples. Un défaut d’alimentation du fournisseur (volontaire ou non) tout comme la chute d’un arbre sur une ligne de courant ou bien une panne de disjoncteur de contrebande peuvent causer ces délestages. Il est donc impossible pour les fournisseurs de courant locaux de mesurer le problème avec précision.
Financé par International Press Institute après avoir gagné un concours international, Feowl devrait lancer sa plate-forme d’open-data en octobre. Objectif, si les résultats sont concluants : étendre leur étude au reste du pays et pourquoi pas en dehors des frontières du Cameroun. Les créateurs du site s’engagent par ailleurs à mettre le code de la plate-forme en accès libre, permettant ainsi à de nouveaux développeurs d’adapter cette méthode pour étudier d’autres carences énergétique et sanitaire, l’approvisionnement en eau par exemple. Si Feowl réussit son pari, on devrait donc y voir plus clair au Cameroun, au sens propre comme au figuré.